La rue Keréon s’apprécie le nez en l’air. (Carte postale Jean)
Par Florence Édouard de Massol
Comme d’autres à Quimper, la rue Keréon a porté plusieurs noms. Au XIIe siècle, elle fut la rue Sutorum puis la rue Meur (ou la Grande Rue). Elle s’est aussi appelée la rue des Poureaux (Poireaux) rappelant le marché aux herbes qui se tenait au niveau du croisement avec la rue des Boucheries.
Keréon est le pluriel breton de kere : cordonnier. Elle reprend le nom de la corporation qui occupa la rue. Ici, on travailloit le cuir. Les cordonniers, bottiers ou gantiers créaient, laissant aux savetiers le soin de réparer. C’était l’une des industries les plus florissantes de la ville médiévale. Au XVIIIe siècle, un voyageur parla abusivement de « rue des Crayons »…
Terrible incendie
En 1762, un terrible incendie partit du haut de la rue, au niveau de l’actuel Crédit Lyonnais. La rue s’avançait alors de quatre mètres supplémentaires sur la place de la cathédrale. Les premières maisons à colombage et donc en bois partirent en fumée. Neuf maisons furent détruites, six autres abîmées. Dès lors, la construction en bois fut interdite, la reconstruction en pierre sera l’occasion d’augmenter la largeur de la rue jusque-là étroite, sinueuse et insalubre.
L’ingénieur Gilles André était en charge du nouveau tracé de la rue et des reconstructions en pierres. Les maisons à pans de bois, en échappant aux flammes, n’ont pas été frappées d’alignement car l’expropriation était interdite avant la Révolution.
Le pavage de la rue était commencé depuis longtemps, mais ne s’achèvera que tardivement, au XIXe siècle. Belles façades de pierres aux gardes corps en fer cohabitent avec les maisons à pans de bois, témoins d’un grand savoir-faire.
Admirer les statues
La rue Keréon s’apprécie le nez en l’air, en scrutant tous les petits et grands détails de ses façades si plaisantes. Une heureuse restauration a exigé l’enlèvement des crépis sur les façades à pans de bois et encouragé la couleur sur ces mêmes façades.
Au demeurant, plusieurs de celles-ci sont classées à l’inventaire des Monuments historiques. On s’amuse à repérer la statuaire qui orne les murs. La star est incontestablement la Fouesnantaise qui domine le marchand de macarons, lui fait face un homme en costume glazick.
Plus discrète, une petite Vierge se niche dans l’angle de la rue des Boucheries. Au n°9, on admire un décor en denticule et les trois personnages sculptés dans les poteaux. On s’arrête devant le n° 19, le temps de se rappeler que l’hôtel Mascarenne de Rivière abrita, sous Napoléon, l’hôtel de ville.
On recule encore un peu pour avoir la vue : celle des cartes postales, des peintres, des photographes amateurs ou pas, celle du timbre de Cheffer. Celle qui ravit l’œil de tous, Quimpérois et visiteurs, la cathédrale au bout de la rue !